Les Chemins de Porquerolles

Un choix de textes sur l'île de Porquerolles




L'adjoint spécial de Porquerolles (1802)


           L'île de Porquerolles a toujours fait partie de la commune de Hyères, et les déclarations à l'état civil : naissance, mariages et décès devaient se faire à la Mairie de Hyères. Mais le maire et le préfet du Var sont intervenus, en 1802, auprès du gouvernement pour que ces déclarations puissent se faire dans l'Île et les parlementaires ont donné la possibilité, à des communes qui, comme Hyères avaient des territoires très éloigné de la mairie de nommer des adjoints spéciaux, éventuellement sans mandat électoral, mais résidant obligatoirement sur place, pour assurer localement les fonctions d'officier de l'Etat Civil et d'officier de Police.
          Voici le résumé du débat à la Chambre.


          

Débats du 15 floréal an 10 (4 mai 1802)

Archives parlementaires de 1787 à 1860: recueil complet des débats p 598
PUBLIEES PAR MM. J. MAVIDAL ET E. LAURENT
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS ET POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES

           Perrin fait un rapport sur le projet de loi relatif à la nomination des adjoints aux maires des communes dont la mer rend les communications difficiles .
           Tribuns, les Iles Porquerolles et de Port-Croz dépendent de la commune d'Hyères; elles en sont séparées par un bras de mer d'environ deux lieues de large, dont la traversée est souvent dangereuse, quelquefois impossible. Cet obstacle s'oppose à ce que les habitants puissent se conformer à la loi du 19 décembre 1792, en faisant les déclarations de naissance et de décès dans les délais qu'elle prescrit : s'ils entreprennent d'en exécuter littéralement les dispositions, ce ne peut être qu'en exposant leurs enfants au double danger, ou d'une navigation que leur faible complexion ne pourra supporter, ou de la privation des aliments que la nature leur destine, si des vents contraires s'opposent au retour.
           L'expérience a fait sentir ces inconvénients. Le maire de la commune d'Hyères et le préfet du département du Var se sont réunis pour demander qu'on les fît cesser; le Gouvernement s'est empressé d'en rechercher les moyens, et il embrasse, dans le projet de loi qui vous est présenté, non seulement les îles de Porquerolles et de Port-Croz, mais toutes les Iles, îlots et villages qui ne peuvent sans danger communiquer avec le chef-lieu de leur commune. Le moyen qu'il propose consiste à faire nommer par le préfet un adjoint au maire, en sus du nombre fixé par l'article 12, § 3, de la loi du 18 pluviôse an VIII. Les communes où cette nomination devra avoir lieu seront déterminées par un arrêté du Gouvernement, pris dans la forme prescrite pour les règlements d'administration.
           Cette disposition est une exception à l'une des lois organiques delà Constitution ; et l'expérience n'a que trop appris combien il faut se tenir en garde contre ces exceptions qui tendent presque toujours à la destruction de la loi.
           Mais, lorsqu'un puissant intérêt sollicite, on plutôt lorsque la nécessité commande, le danger disparaît ; et l'exception ne prouve rien autre chose, sinon que la sage prévoyance du législateur ne peut atteindre tous les détails, et qu'il est souvent besoin que l'expérience sanctionne ses décrets. L'importance des motifs qui ont dicté le projet de loi dont j'entretiens en ce moment le Tribunal ne peut être méconnue ; l'obstacle qui s'oppose souvent à la communication des îles de Porquerolles et de Port-Croz avec la commune d'Hyères est invincible : ce n'est que dans des circonstances semblables que la nomination de l'adjoint pourra être prescrite par le Gouvernement. Elle ne le sera que par un règlement d'administration publique, et les formalités qui doivent accompagner la formation de ces règlements sont un garant assuré contre tout arbitraire; en sorte que, si l'exception est nécessitée par les circonstances, elle est aussi renfermée dans les plus justes limites.
           L'exercice de l'autorité municipale est de toutes les heures, de tous les instants, soit qu'elle se développe avec cette influence paternelle qui prévient les délits, soit qu'elle recueille les premiers indices du crime qu'elle n'a pu prévenir, soit enfin qu'elle assure l'état des citoyens par la tenue des registres qui y sont destinés. C'est aussi parmi les habitants de la section de la commune séparée du chef-lieu que l'adjoint sera nécessairement choisi.
           On s'expose toujours à gêner les mouvements de l'administration lorsqu'on en multiplie les agents. Ici cet inconvénient disparaît, puisque l'adjoint ne doit remplir ses fonctions que lorsque les communications seront impossibles; puisque les registres qu'il tiendra comme officier de Etat civil devront être annexés à ceux de la commune dont ils formeront un supplément; puisque, aussitôt que les communications seront libres, il devra rendre compte au maire de ce qu'il aura fait comme officier de police, et que ce sera celui-ci qui en instruira les autorités supérieures : ainsi, quelque honorables que soient ses fonctions, son existence est presque imperceptible dans l'organisation de l'administration, il n'est qu'un suppléant du maire ; dénomination qui lui eût peut-être mieux convenu, si dans l'usage elle ne paraissait uniquement consacrée à l'ordre judiciaire.
           L'article 4 du projet interdit à l'adjoint toute correspondance directe avec les autorités constituées ; il ne pourra donc méconnaître la nature de ses rapports avec le maire de la commune, et dès lors il n'est plus à craindre de voir s'élever entre eux un conflit d'autorité, toujours si opposé au bon ordre et à la tranquillité publique.
           Cette dernière observation justifie que le projet rentre parfaitement dans l'ensemble des dispositions de la loi du 28 pluviôse an Vlll, eu même temps qu'il fait disparaître les inconvénients qui résultaient de la rigoureuse observation de l'article 12.
           Votre section de l'intérieur vous propose d'en voter l'adoption. Ce rapport sera, imprimé. On va de suite aux voix et le Tribunal vote l'adoption par 73 boules blanches contre 3 noires.


           Depuis cette époque, la situation a bien changé, l'ile est reliée 24 heures sur 24 par un bateau taxi, et il esr rare que les liaisons maritimes soient interrompues. Néanmoins cette institution a perduré et l'adjoint spécial est toujours là, élu par le conseil municipal de Hyères aprés consultation des électeurs du bureau de vote de Porquerolles. Il n'a plus l'occasion d'enregistrer des naissances, la dernière inscription remonte à plus de cinquante ans, mais c'est un privilège rare que de se marier à Porquerolles, et quelquefois on enregistre un décés.
          Les Porquerollais sont très attachés à cette institution et considèrent l'adjoint spécial comme leur représentant auprés de la mairie d'Hyères. en France le nombre d'adjoint spéciaux est en diminution et l'administration n'est guère favorable à ce qui peut paraître une survivance du passé
           Voici un extrait d'une délibération récente du Conseil Municipal de Hyères à ce sujet


          

Conseil Municipal de Hyères Séance du 31 mars 2008


           La commune d'Hyères compte dix fractions de commune : Porquerolles, Port-Cros, Le Levant, Giens, Sauvebonne, Les Borrels, Les Salins, La Capte, L'Aiguade, la Plage. Lorsqu'un obstacle quelconque ou un éloignement rend difficiles dangereuses ou momentanément impossibles les communications entre le chef-lieu et une fraction de commune, un poste d'Adjoint Spécial peut être institué par délibération motivée par le Conseil Municipal. L'Adjoint Spécial est élu par le conseil parmi les conseillers et, à défaut d'un conseiller résidant dans la fraction, parmi les habitants de la fraction. L'Adjoint Spécial remplit les fonctions d'officier d'Etat-Civil et peut être chargé de l'exécution des lois et réglements de police dans la partie de la commune pour laquelle il a été désigné, il n'a pas d'autre attribution.

Mais ne pas avoir "d'autre attribution" n'empèche pas d'avoir une certaine influence sur le quotidien des porquerollais et d'être un acteur privilégié dans les relations avec la mairie ou avec les divers organismes intervenant sur l'Île. Depuis 1802, au moins une vingtaine d'adjoints spéciaux ont dû se succéder sur l'Île, formant une sorte de "dynastie républicaine". il devrait être possible, grâce aux archives communales, d'en retrouver la liste ainsi que les évènements ou problèmes locaux qu'ils ont eu à connaitre durant leurs mandats.

           Ecrit à Porquerolles le 14 Ventôse 218