Carte de Jean Nicolas de Tralage 1707
Ce relevé des îles d'Hyères est extrait d'une carte représentant : "Le comté et gouvernement de Provence avec les terres adjacentes ; divisé en sénéchaussées et en Vigueries" selon les mémoires de Honoré Bouche, Robert de Briançon, Petré et de plusieurs autheurs", Publication à Paris : Chez I.B. Nolin, 1707
Cote : Ge DD 2987 (693) BNF Richelieu Cartes et Plans Reprod. Sc 87/390
Le tracé des îles est maintenant plus correct, l'île du Levant reste cependant approximative.
Le village de Giens est représenté, il fait partie du Marquisat de Giens ou Pontevés (du nom du titulaire). En effet c'est en octobre 1691 qu'Antoine François de Pontevès, Chevalier de Malte, Premier consul d'Aix, a obtenu de Louis XIV l'érection de la seigneurie de Giens et Roubaud en marquisat de Pontevès-Giens.On retrouve Ribaudon et Ribaudas et un fort est signalé au Langoustier.
L'île de Porquerolles est désignée comme Marquisat (ainsi que Briganson alors que Port Cros à perdu ce titre) .Curieusement les Mèdes ne sont pas mentionnés, mais on retrouve le Raton, qui semble ici indiquer un rocher, puis la Galisse (Anse de la Galère), les Sereines (Iles Sarranier) et le cap Dormes (Cap d'Armes ?) Le haut fond au large des îles Sarranier est représenté comme s'il s'agissait d'une île. On remarquera sur Port Cros la Grand Garde qui indique qu'il y avait alors une activité de guet et sur l'île du Levant, La carbonnière, vraisemblablement signe de la fabrication de charbon de bois
Carte de Nicolas de Fer 1708
Le comté de Provence : Dressée sur les meilleurs mémoires
par N. de Fer lieu d'édition à Paris : Chez l'Auteur, 1708
Cote : BNF Ge DD 2987 (641)
Pas beaucoup de différences avec la carte précédente: la Licastre réapparaît, l'anse de la galère est baptisée Calle de la Galisse.La petite passe s'appelle Le Frioul, qui signifie passe, au sens maritime du terme, en provençal. Port Cros a repris le nom archaïque de Porte Croz. Ces cartes ne présentent que peu d'évolutions depuis la carte de Sanson éditée un demi siècle plus tôt
Évènements contemporains
Ces cartes ont été réalisées pendant la guerre de Succession d'Espagne (1701 - 1714), La guerre a été déclarée par l’Angleterre, inquiète de l’accession de Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, au trône d’Espagne. Elle oppose la Grande Alliance, composée de l’Angleterre, des Pays-Bas, du Saint Empire romain germanique, puis du Portugal et de la Savoie à la France et à l’Espagne. En 1707 les Anglais, les Hollandais et leurs alliés projettent d'envahir la Provence.
« …L’Angleterre est la principale rivale maritime de la France en Méditerranée, où elle ne dispose pas alors de base avancée. Avec l’appui du duc de Savoie, les Anglais lancent l’offensive durant la campagne de 1707. Le 11 juillet, 40000 hommes franchissent le Var à la suite du duc Victor-Amédée. L’armée française, commandée par le maréchal de Tessé, est massée en Tarentaise et dans le Dauphiné, face aux cols alpins. Dès que les renseignements fournis par les espions en Italie permettent d’identifier Toulon comme objectif de l’attaque, Tessé met son armée en branle en direction de la côte. Il faut à l’ennemi deux semaines pour accomplir la “promenade militaire” qui l’amène le 25 à La Valette. Entre-temps les troupes françaises descendent à marches forcées depuis la haute-Provence. Parties de Sisteron le 14, elles sont à Tavernes le 20, puis piquent plein sud en prenant le plus court chemin, par Méounes et le Revest, pour entrer dans Toulon du 23 au 25.
Avant l’arrivée de l’armée de secours, les préparatifs de défense s’organisent en vue du pire. En conseil de guerre du 12 juillet, les autorités décident de couler les vaisseaux dans le port lorsque l’ennemi sera à quatre lieues de Toulon Au même moment, il est prévu de jeter à la mer les canons des batteries de la côte, à l’exception de la Grosse tour, Balaguier, l’Eguillette et le fort Saint Louis. Du côté terre, les remparts sont garnis par l’artillerie de la marine; 22 mortiers et 125 canons de 36 sont placés sur les remparts. Sur les murs des darses, soixante canons font face à la mer Le premier soin de l’ennemi est de s’emparer. de la Croix-Faron le 26 juillet, d’où Victor-Amédée observe le dispositif français le lendemain le gros des troupes étant arrivé le 28 juillet, l’offensive est lancée contre le secteur qui, de la hauteur d’Artigues à la chapelle Sainte-Catherine, commande la ville au pied du Faron. Après quatre jours de combats et de confusion, l’ennemi finit par s’assurer une relative supériorité et commence à “ouvrir la tranchée” le 2 août entre Sainte-Catherine et la hauteur de Lamalgue, en vue d’entamer un siège en règle. L’attaque sur Sainte Catherine est doublée, dans la nuit du 1er août, d’une tentative de prise à revers de la défense.Le prince Eugène, accompagné de quatre bataillons et d’un régiment de cavalerie, contourne le Faron le vallon des Favières, afin de déboucher dans le dos des Français par la gorge de Saint-Antonin au nord-ouest de Toulon. En arrivant au plus étroit de la gorge, à hauteur du château Saint-Antonin, résidence épiscopale, le parti ennemi se heurte à 3 000 hommes, placés en embuscade. Après un court échange coups de feu, l’ennemi bat en retraite. L’affaire met néanmoins en lumière l’intérêt du secteur dans la défense de Toulon.
Sur le flanc oriental, l’ennemi établit des batteries, qui s’en prennent à la ville et aux batteries flottantes mouillées en petite rade pour défendre l’arsenal. Au 10 août, ce sont 73 canons et 19 mortiers qui tonnent depuis les douze batteries établies par les austro-savoyards.
Sur mer, une flotte anglo-hollandaise est destinée appuyer les troupes à terre. 35 vaisseaux, 6 galiotes et 8 brûlots, accompagnés d’une douzaine de bâtiments de charge, naviguent sous le commandement de l’amiral Showell. Basée aux îles d’Hyères à partir du 17 juillet, la flotte met le blocus devant la presqu’île de saint Mandrier dès le lendemain. Le 24, un corps de troupe est mis à terre aux Salins pour s’emparer de Hyères. Les jours suivants, le mistral empêche toute opération navale jusqu’à la fin du mois.
A la mi-août, le cours des opérations se précipite, tant à terre qu’à la mer. Dans la nuit du 14 au 15, une sortie des défenseurs est opérée simultanément sur le Faron, Artigues et Sainte-Catherine. Malgré un certain succès sur la gauche et en dépit des fortes pertes ennemies, les défenseurs n’arrivent pas à se maintenir sur les positions reconquises et le terrain demeure sans véritable maître. Une sortie est également effectuée contre Lamalgue, dont les batteries adverses font un enjeu stratégique. Malheureusement, il ne s’agit là que d’une diversion, contrairement aux avis de l’instigateur du plan de la contre-offensive. A partir du 15 au soir, les bombardements se dirigent contre la ville elle-même et non plus contre les fortifications. Plusieurs maisons sont incendiées par les bombes et la population déserte la ville pour se réfugier dans les bastides des campagnes environnantes.
Sur le front de mer, la pression se renforce également. Le fort de Sainte-Marguerite se rend le 16, ses défenseurs étant privés d’eau. Le fort Saint-Louis, pris à partie par les batteries de la hauteur Lamalgue depuis le 9, commence à se ruiner. Sa tour est largement ébréchée et sa plate-forme menace de s’écrouler. Commandé par le capitaine Daillon et le lieutenant de Cauvières, l’ouvrage oppose une résistance farouche. Lorsqu'un vaisseau tente de mouiller à proximité, les canons du fort endommagent sa coque et sa mâture, l’obligeant à se retirer précipitamment. Lorsqu’ils sont sommés de se rendre par un officier piémontais, les héroïques défenseurs répondent simplement qu’il leur reste de la poudre... Dans la nuit du 18 au 19 août, l’état de délabrement du fort les oblige à se replier sur la Grosse tour, après avoir encloué les canons et mis le feu aux poudres. Le 19 août, des galiotes à bombes tentent de doubler le cap Brun pour venir s’embosser en rade des Vignettes. Un violent vent contraire les contraint à regagner leur mouillage des îles d’Hyères. Le 21, les galiotes reviennent et bombardent la ville et le port. Deux vaisseaux, non sabordés (Le Sage et Le Fortuné), prennent feu. En fait, les événements terrestres ont déjà fixé le sort du siège. Dans la journée du 22, les assaillants se retirent et l’armée du duc de Savoie plie bagages après s’être regroupée entre La Valette et Solliès. Le retour sur le Var s’effectue bien plus vite qu’à l’aller 10 jours au lieu de 16... »
Extrait de « Citadelles d'Azur » par Bernard Cros. Edisud ouv. Cit.
Quinze vaisseaux français seront sabordés dans la rade durant le siège et ne seront pas renfloués. Cette affaire a été reprochée à la Marine et certains y voient la préfiguration du sabordage de 1942. C’est ne pas tenir compte de la situation désespérée de la France au plus fort de la guerre de Succession d’Espagne. La flotte n’a pas appareillé pour la simple raison qu’elle ne le pouvait pas : il n’y avait pas assez d’équipages. Il faut, en outre, noter qu’une grande partie du matériel (canons, cordages, voiles…) pourra être récupérée
Ci-contre, portrait de l'Amiral Showell
Comme d’habitude, Porquerolles et la baie d’Hyères ont servi de base arrière pour les navires qui réalisaient l’attaque et le blocus de Toulon .
Le 17 juillet, la flotte anglo-néerlandaise, sous le commandement de l'amiral Schowell, arrivent de l'est et mouillent entre Bagaud et Bénat. Des soldats descendent sur Bagaud où, en dépit des coups de canon de Port Cros, ils enlèvent un troupeau de moutons appartenant au gouverneur de Port Cros. Des marins débarquent également à Bénat. Ils attaquent Port Cros, sont repoussés, mais s'emparent de Porquerolles, avec ses trois forts défendus par une quinzaine de paysans, qui furent enfermés et gardés à vue jusqu’au départ des envahisseurs.
A l’issue e l’occupation de Porquerolles, les Anglais ont tenté de détruire les forts et fait quelques destructions dans l’île avant de repartir vers Gibraltar puis vers l’Angleterre.
Mais l’Amiral Clowdisley Shovell ne reverra jamais l’Angleterre. Lors de la navigation du retour, la nuit du 17 octobre 1707, par temps très brumeux, on aperçoit une terre. Convoqués à bord du vaisseau amiral, Les masters assurent à sir Clowdisley qu’ils sont par le travers de l’île d’Ouessant, au nord-ouest de la Bretagne, alors que l’escadre file droit sur les parages semés d’écueils des îles Scilly (les Sorlingues), à une cinquantaine de km de la côte extrême sud-ouest de l’Angleterre. L’Association, vaisseau amiral, un 90 canons lancé à Portsmouth en 1697, se fracasse contre les rochers et sombre presque immédiatement, ainsi que deux autres unités qui le suivent : l’Eagle, un 70 canons lancé à Chatham en 1699, et le Romney, un 50 canons achevé à Blackwall en 1694. Un autre bâtiment s’échoue peu après. Sur cinq vaisseaux, seul le Saint George a échappé au désastre.Près de deux mille hommes sont morts. Quant à Cloudesley, il survécu au naufrage, se retrouva sur le sable... et fut tué par une femme qui passait par là. Tout simplement parce qu'elle voulait s'emparer (et s'empara) de l'émeraude qu'il portait au doigt.Le cadavre de l’amiral, fut ramené à Londres et enterré à Westminster.
Ce désastre a fortement ému les anglais, la faute de navigation a très vite été imputée à l'imprécision des chronomètres embarqués, d'où un concours lancé en juillet 1714 pour améliorer cette précision.
le Parlement a publié, sous le règne de la reine Anne, le Longitude Act ou Loi de longitude qui prévoyait trois prix :
- 20 000 livres (5 millions de nos euros environ) pour une méthode de détermination de la longitude à 1/2 degré près, ce qui correspond à une variation maximum pour un chronomètre de trois secondes par 24 heures.
- 15 000 livres pour une méthode précise aux 2/3 de degré près.
- 10 000 livres pour une méthode précise au degré près.
et des aides pour les chercheurs qui voulaient se lancer dans l'aventure.
Mais il faudra attendre 1761 pour que essai d'un prototype fabriqué par John Harrison, lors d'une navigation vers la Barbade en 1764 respecte le cahier des charges. Le chronomètre n'avait perdu que 1 minute 54,5 secondes depuis le départ d’Angleterre 147 jours auparavant. C’est ainsi qu’Harrison se vit attribuer quelques années plus tard le prix du « Longitude Act » et que la Grande-Bretagne eut la suprématie sur mer.
A Porquerolles, vraisemblablement après le départ des Anglais, fut construit « le camp Louis XIV », à l’extrémité de la presqu’île du Langoustier, ces fortifications n’ont probablement jamais été utilisées mais on les trouve encore signalées un siècle plus tard sur les cartes de l’époque Napoléon, il n'en subsiste actuellement que des ruines informes, il faut recourir aux images satellites pour en avoir une vue d'ensemble .