Les Chemins de Porquerolles

Un choix de textes sur l'île de Porquerolles


La deuxième insurrection de Toulon 1794

Histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1837
Num. BNF de l'éd. de Paris : Delloye, 1838.
Hugo, Abel. Éditeur scientifique

Note de la page 19 du Tome 2

           La seconde InsurrectIon de Toulon eut des causes, tout à fait opposées à celle de la première, c'était à l'époque de l'insurrection du 1er praIrIal (20 mai 1794). Le parti révolutionnaire venait d'être comprimé à Paris, et le faubourg Saint-Antoine vaincu. Tous les départements du Midi étaient en feu; 'Toulon, dont la population royaliste et fédéraliste avait été expulsée ou égorgée, était depuis ses désastres la ville la plus dévouée à la Montagne.
           Une corvette de la République amena dans ce port quelques émigrés pris sur un bâtiment qui se rendait d'Italie en Espagne ; la populace les massacra à leur débarquement. Le général Pierre, qui commandait dans la ville, n'avait pris aucune mesure pour empêcher cet assassinat. Les représentants Guérin et Poultier, indignés de sa conduite, le destituèrent ; mais cet acte d'autorité excita le mécontentement populaire. Tout à coup on battit la générale, les portes de la ville se fermèrent et la foule se porta chez les représentants pour les obliger à rapporter leur arrêté de destitution: ceux-ci s'y refusèrent.
           Alors l'insurrection éclata ouvertement; on les maltraita et on les jeta en prison. Les insurgés s'emparèrent du fort Lamalgue, de l'arsenal, de tous les établissements, civils et militaires, en présence mêéme de la garnison, trop faible pour y mettre obstacle. Les hommes attachés au parti montagnard s'étaient mis à la tête du mouvement, ils ouvrirent les prisons à leurs partisans détenus, et n'ayant pu parvenir à faire rentrer dans le port l'escadre qui se trouvait en rade, ils se décidèrent à partir en longeant la côte, avec 4,000 hommes et douze pièces de canon, pour Marseille. qu'ils disaient être le siége du modérantisme.
           L'adjudant-général Charton, qui gardait les magasins de l'armée d'italie, au Bausset, craignant de le voir tomber entre les mains des insurgés, les fit évacuer en toute hâte sur Cajes, et prit position avec 800 hommes en avant de ce bourg. Au premier bruit des dangers qui menaçaient Marseille, le représentant Chambon, en mission dans cette ville, fit un appel à la garde nationale et rassembla environ 1,200 volontaires qui, réunis aux 1,200 soldats de la garnison et renforcés de deux régiments de cavalerie, marchèrent, sous le commandement de général Pacthod, à la rencontre des. Toulonnais. Dans le même temps les représentants Poultié et Guérin, qui avaient réussi à s'échapper de Toulon, lançaient la garnison derrière les Insurgés, et le représentant Chiappe accourait de Nice avec 8,000 hommes de l'armée d'Italie.
           Les Toulonnais, sans s'inquiéter de ce qui se passait sur leurs derrières, attaquèrent bravement les troupes de Charton. Le choc fut sanglant et opiniâtre; mais le général Pacthod étant arrivé à propos avec sa colonne, décida la victoire en faveur des conventionnels. 300 Toulonnais furent tués, autant mirent bas les armes, et le reste fut dispersé par la cavalerie. Les vainqueurs rentrèrent en triomphe à Toulon, au moment où les troupes de l'armée d'Italie y arrivaient de leur côté. Mais la victoire fut souillée par la conduite des Marseillais, qui appelaient leurs sanglants excès de justes représailles: Ils égorgèrent leurs prisonniers et massacrèrent en outre plus de 200 individus, détenus au fort Saint Jean, pour des causes politiques.