Vente de Porquerolles en 1825 ?
Rapport sur la proposition faite par les propriétaires de l’Île de Porquerolles, de la vendre à l’État.
20 Septembre 1825
Génie Direction de Toulon Îles d’Hyères
L’Ile de Porquerolles est actuellement divisée en deux portions appartenant à deux propriétaires différents.
La première consistant en une espèce de bande développée sur toute la circonférence de l’ile appartient à l’État
La seconde composée de tout le reste de l’ile, enclose entièrement dans la première appartient à Messieurs De Lenoncourt et Michel.
Toute la surface de cette ile broussailles et de quelques bois très clairs de pins chétifs et bons seulement à brûler. Peu de portions sont défrichées, leur rapport est très faible. Quant au seules maisons qui y existent, situées autour du Château de Porquerolles, sur le terrain militaire, elles payent une redevance et sont soumises à la condition de démolition sans indemnité.
Les propriétaires de la partie intérieure de l’ile (nommés ordinairement propriétaires de l’ile) l’achetèrent il y a quelques années trente huit mille francs. Depuis ce moment ils ont abattus et vendus comme bois de chauffage, la plus belle partie du bois qui y existait. La manufacture de soude établie près de Port Man dans l’ile de Port Cros, fut le point de consommation.
De nouveaux semis n’ont point été faits, à peine quelque coins de terre ont ils été imparfaitement défrichés. Cette propriété n’a donc fait que baisser de valeur. De plus, de nombreux incendies allumés par la malveillance font craindre journellement à MM de Lenoncourt et Michel, la perte totale de leurs produits, aucun acquéreur ne se montre envieux d’une pareille propriété, il n’est donc pas étonnant qu’ils cherchent à s’adresser au Gouvernement pour se tirer, si possible du mauvais pas dans lequel ils sont engagés.
Il faut maintenant examiner si cette acquisition serait avantageuse au Ministère de la Guerre.
Or cette question dans ce cas doit être considérée essentiellement sous le rapport militaire. En effet, quand bien même il serait prouvé qu’une pareille acquisition fut avantageuse comme propriété constructive, si elle n’avait que cet avantage, elle devrait être rejetée, car le ministère de la guerre ne peut pas employer ses fonds à acheter une propriété dont le revenu devrait être versé dans la caisse des receveurs généraux. D’ailleurs cette supposition est loin d’être probable ; le manque d’eau, la violence des vents de nord-ouest sont loin de favoriser la végétation sur cette terre sablonneuse et ingrate : et si quelque chose d’avantageux est possible on doit bien plutôt l’attendre de l’industrie mercantile et continue des particuliers que des soins lents et saccadés du gouvernement.
Sous le rapport militaire cette acquisition est totalement inutile, il est facile de le prouver.
Les Iles d’Hyères forment, avec le continent une vaste enceinte discontinue servant de contour à une rade immense dont tous les points offrent un mouillage excellent. Empêcher les ennemis d’en profiter est une chose qui semble impossible par le seul effet des batteries de cote ; les distances sont trop grandes pour cela. Mais par le fait de ces batteries, les passes et la rade sont nécessairement très rétrécies pour les bâtiments ennemis. Les suites d’avaries causées par un coup de vent, ou surtout par des flottilles deviennent extrêmement dangereuses. Atteindre ce but est donc de toute nécessité : Or, il l’est déjà par les batteries tant bonnes que mauvaises établies dans ces îles (pour celle de Porquerolles du moins) : S’il y a un reproche à faire, c’est plutôt leur plus grand nombre qui doit en être l’objet ; celles ci possèdent autour d’elles tout le terrain que peut jamais demander leur extension future. Sur ce premier point de vue l’acquisition devient donc tout à fait inutile.
Défendre ces îles contre l’attaque d’un ennemi puissant qui chercherait à s’en emparer, soit pour détruire les batteries, soit pour s’y établir lui même et bloquer pour ainsi dire, la cote continentale, est un second but que l’on doit avoir constamment en vue. Mais si une portion seulement des batteries avait le degré de force nécessaire, la question serait résolue car, susceptibles par elles mêmes d’une vigoureuse et longue défense, elles seraient à même de recevoir des secours et voyant par leurs feus les seuls points faciles d’atterrages, elles couperaient pour ainsi dire à l’ennemi débarqué dans l’ile, la ligne de communication avec la mer, la ligne d’opération. Elles rendraient infiniment plus de services qu’une petite place centrale...