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Les Chemins de Porquerolles

Un choix de textes sur l'île de Porquerolles


Passage mouvementé de Fougeret de Montbron à proximité des îles d'Hyères

Extrait de "Le cosmopolite ou Le citoyen du monde"
par Jean-Louis Fougeret de Montbron
Reprod. de l'éd. de Londres : 1753 numérisation BNF (Gallica)
Pages 35 à 39.


Ce roman autobiographique parut d'abord en 1750, puis, sous le titre de Le Citoyen du Monde, en 1753
De retour de Constantinople, l'auteur arrive à l'île de Malte avant de continuer son voyage vers Toulon.


          On sait que tout vaisseau venant du levant, dans quelque port ou havre qu' il aborde, doit faire quarantaine, et qu' on la fait plus ou moins longue, selon le dégré de soupçon ou de crainte de ceux à qui l' on demande l' entrée. Messieurs les maltois nous proposerent un terme qu' on ne jugea point à propos d' accepter ; ce qui fut cause que nous ne restames dans leur port que le tems nécessaire pour réparer notre gouvernail, après quoi nous partimes.
          Il y avoit alors dix-huit ou vingt vaisseaux de guerre anglois mouillés aux isles d' Iéres. Quand nous approchames de ces parages, Mr De Caïlus fit le signal de combat. Quoique la France et l' Angleterre n' eussent point encore rompu ouvertement, il regnoit depuis quelque tems une sorte de mesintelligence entre ces deux nations, qui occasionnoit quelquefois de petites méprises, sur-tout si l' on se rencontroit pendant la nuit ; et après s' être bien canoné à la faveur des ténébres, au lever du soleil on se séparoit de bonne amitié avec des excuses et des politesses de part et d' autre.
           La tendresse aveugle que j' avois vouée aux anglois, jointe à beaucoup d' indifférence pour aquerir de la gloire, me fit regarder ces préparatifs d' un oeil fort mécontent. Loin de témoigner aucun empressement à payer de ma personne en cas de nécessité, je souhaitois de tout mon coeur n' être pas obligé d' en courir le risque. Heureusement mes voeux furent accomplis. Nous nous trouvames maîtres du vent, et passames sans nul obstacle à la vue de la flotte. Un plumet étourdi, plein des préjugés de son état, blâmera indubitablement un aveu si sincére ; mais il me suffit d' avoir l' approbation des gens raisonnables, et je me flatte qu' ils ne me la refuseront pas. En effet, si l' on s' étoit battu, et si m' étant muni d' un mousquet comme les autres, j' eusse eu un bras ou une jambe emportée, un oeil hors de la tête, ou la machoire fracassée, je voudrois bien savoir ce qu' il m' en seroit revenu ? Car en qualité de passager, je ne pouvois pas m' attendre que la cour recompensât mon zéle, et qu' elle me fît la grace de me conférer des dignités et des gratifications qui n' appartiennent qu' à ceux qui professent le métier des armes. Néanmoins supposé que contre toute espérance, on m' eût traité en militaire, deux doigts de ruban couleur de feu à ma boutonniére ou une modeste annuité m' auroit-elle jamais fait oublier la soustraction de quelqu' un de mes membres ? Et l' honneur d' étayer mon corps chancelant sur deux potences, ou de ne me moucher jamais que d' une seule main eut-il été un équivalent au plaisir d' être bien ferme sur mes deux pieds, et de pouvoir me soulager à ma fantaisie de la droite et de la gauche ? Je ne crois point qu' on puisse me faire voir en cela un dédommagement réel. Au contraire, je suis bien assuré qu' il n' est pas un de ces illustres et glorieux mutilés qui ne sacrifiât tous les lauriers de mars pour recouvrer son premier état, si la chose étoit en son pouvoir. Quant à moi qui ne trouve rien de trop dans mon individu, et qui en aime toutes les proportions, je n' en céderois pas un scrupule pour cent quintaux de gloire.
           Les anglois, ainsi que je l' ai dit ci-dessus, ne pouvant sortir de la rade d' Iéres, nos vaisseaux entrerent paisiblement dans celle de Toulon. On ne nous y obligea qu' à huit jours de quarantaine, pendant lesquels nous fumes deux ou trois fois au lazaret prendre l' agréable parfum de paille et de savates mouillées auxquelles on met le feu. Si ce n' est pas un spécifique sûr contre la peste, au moins puis-je certifier que c' en est un infaillible contre les bonnes odeurs.
           Dès que nous eumes l' entrée, chacun firent jadis tous les êtres vivans, bêtes se sépara et fut de son côté, comme et autres, en sortant de l' arche de Noé. Le lendemain, je pris la route de Paris.


Vernet  Port de Toulon

Vernet : Le Port de Toulon 1755 Musée de la Marine à Toulon
En 1753 le Marquis de Marigny le propose au roi comme peintre des marines de Sa Majesté avec la commande des ports de France pour montrer les bienfaits du règne de Louis XV aux quatre coins de la nation et la représentation de l' industrie ,de l' abondance, et de l' amélioration des conditions de vie dans les villes de province oeuvre de propagande pour la marine à une période ou la marine subissait des défaites durant la guerre de sept ans. Chaque tableau sera payé 6.000 livres. Il commence à MARSEILLE puis TOULON BANDOL .CETTE. ANTIBES .BORDEAUX.