Mémoires sur les îles d'Hyères
envoyé en octobre 1755 par M. Milet de Mouville, directeur des fortifications.
Ces Iles étaient connues sous le nom de Stacades, îles de la Méditerranée sur la côte de Provence aujourd'hui îles d'Hyères l'ancienne Hispea est celle du Titan ou du Levant Mezé nommée Médiana, l 'an 1200, est celle de Portecros et Proté ou Pompruiana est celle de Porquerolles.
Ces îles, vers l'an 400 étaient habitées par de saints anachorètes, sous la conduite du vénérable abbé Théodore à qui Cassien dédia ses dernières conférences. Théodore avait fondé dans les provinces des Gaules plusieurs monastères et peuplés les Stacades de plusieurs troupes de saints moines et qui quoique Évêque de Fréjus il allait avec empressement les visiter comme ses anciens disciples, il mourut vers l'an 452.
Il y avait encore dans ces îles en 1198 des religieux de l'ordre des Cîteaux qui furent pris et amenés par des barbares, ce fut alors que quelques chanoines réguliers de Saint-Augustin en la prévôté de Pignan vinrent se saisir de ce monastère abandonné. Trente (ans) après l'abbé de celui de Notre-Dame de Floregio appelée Touronnet de l'ordre des Cîteaux voulant ravoir ce monastère, le pape Innocent 3 renvoya la connaissance cette affaire aux évêques de Marseille et d'Agde et après les informations le Saint Père exclut les chanoines de Pignan. Il est rapporté dans l'histoire de Provence par Nostradamus (Note en marge : Nostradamus, 1503-1566, astrologue, Médecin de Charles IX) page (?) 543 que le Monge des Iles d'Hyères appelées anciennement Stacades, bibliothécaire du monastère de Lérins, sujet aux incursions des pirates de barbarie et au tumulte de guerre entre les princes du Béar, Charles de Duras et Raimond de Turrenne prétendant droit à la conté de Provence contre les légitimes possesseurs, il est rapporté ,dis-je, que ce Monge ou moine allait au printemps et en automne, avec un autre religieux, se retirer à son petit hermitage des îles d'or ou d'Hyères ou d'ancienneté était une petite église dépendante du monastère de Lérins.
Les ruines cette église se trouvent dans l'île du levant, c'est ce Monge des îles d'or qui a retiré de la cendre, par ses recherches les anciens troubadours ou poètes provençaux si longtemps mis en oubli.
Les îles d'Hyères étaient estimées si fertiles et si commodes par rapport à la bonté(?) de la rade d'Hyères et aux petits ports des îles que les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem avant de s'établir en celle de Malte en 1590 avait résolu de le faire dans les dites îles, ce qui leur fut refusé. Les moines du Tourronet n'ayant pu y tenir à cause de l'incursion des barbares s'établirent sur terre ferme à la Manarre sur la partie de la cote entre la ville d'Hyères et la presqu'île de Giens : ils y menèrent une vie si dissolue qu'ils en furent chassés et leur monastère, dont les vestiges annoncent qu'il était misérable, fut donné à des dames Bernadines établit alors à Saint-Jean de Quarignie(?) prés de Roquenoire. Ces dames furent si souvent insultées par les barbares qu'elle se réfugièrent à la ville d'Hyères où elles sont aujourd'hui sous le nom de dames de Saint-Bernard. Les îles d'Hyères devinrent enfin la retraite des pirates jusque sous le règne de Louis XIII.
Il y a apparence que les pirateries et l'irruption des Espagnols sur la côte de Provence et dans ces îles déterminèrent le roi aller faire construire des enceintes aux anciennes tours qui y étaient d'un temps immémorial et occuper pour les nouveaux forts, les hauteurs dominantes sur les ports et sur les plages propres à un débarquement dans les îles de Portecros et de Porquerolles. On a abandonné et laisser entièrement en ruines le fort du Titan et le château du Castelet à l'île du Levant. Parce qu'il n'y a aucun asile assuré contre les vents pour les bâtiments de mer.
La prétention de M. le marquis de Lenoncourt sur ceux de Porquerolles est chimérique, car l'opinion commune et probable est que le roi ou la Province les a fait bâtir, cette île n"ayant jamais été d'un produit assez considérable depuis qu'elle a été possédée par des Seigneurs particuliers pour les engager à faire une si grande dépense contre l'incursion des ennemis de l'état et des pirates de barbarie.
Il y en est de même des forts et tours construit dans l'île de Portecros qui paraissent avoir été bâtis suivant le même système et à peu près dans le même temps que ceux de Porquerolles.
M. De Lenoncourt fonde sa demande d'un dédommagement de ce que les garnisons établies dans l'île les occupent, sur ce qu'il dit dans les lettres d'érection au marquisat du mois de novembre 1658 que le Seigneur bâtira telles forteresses qu'il avisera bon être pour la conservation ou défense de ladite île, le roi ne se réservant que la tour et son circuit et la redevance annuelle 150 livres. Cette île relève directement de domaine de Provence.
M. le marquis de Marignane est dans un autre cas, il est gouverneur et seigneur de l'île de Portecros, de celle du Levant et de Bagau qui ensemble ont été érigées en Marquisat en 1529 sous le titre de Marquisat des îles d'or. S'il demande un dédommagement ce n'est pas parce que des garnisons occupent les forts de cette île, sur lesquelles il ne forme aucune prétention mais il a le château qui lui appartient en propre, quoique le roi ait fait construire une enceinte militaire autour.
Depuis qu'il a plu à sa majesté de placer l'artillerie et des armes, la salle (?) nécessaire et les poudres ont occupé une chambre et une tour de ce château au second étage et le reste lui a été laissé libre et à ses habitants pour y tenir leurs grains, pailles et denrées jusqu'à 1742.
L'indispensable nécessité de mieux garder l'île de Portecros fait qu'il était censé ne l'être que par dix huit hommes commandés par un capitaine et un sergent, il fallu y faire passer des troupes qui occupent depuis ce temps les deux tiers de ce château, n'ayant laissé au fermier du Seigneur qui est chargé de la cantine par règlement de la cour, qu'une cave et une grande cuisine. Deux autres chambres, dans l'une desquelles est la margelle de la citerne et deux tours, le tout au rez-de-chaussée.
C'est aussi depuis 1742 que le roi a fait divers murs et cloisons, remplacé et réparé les portes, fenêtres intérieure et entretenu la couverture, la citerne est le four dudit château.
Messieurs les procureurs du pays qui par ordre du ministre se sont transportées sur les lieux, il y a peu de jours, ont dressé un procès-verbal d'estime montant à 6000 livres à l'égard à la non jouissance du Seigneur qui semble exiger une indemnité.
Description de l'île de Porquerolles
La plus orientale des îles de la rade d'Hyères et moyen de la rendre assez fertile, pour y établir actuellement 30 familles et plus.
Le 14 octobre 1755
L'île de Porquerolles a 4300 toises de longueur et 700 de largeur réduite.
En général le terrain peut y devenir bien bon lorsqu'il y aura une certaine quantité de familles et de bestiaux pour labourer la terre.
Cette île en ménageant la chasse serait fertile en faisans, perdrix rouges et lapins, sans compter les oiseaux de passage il n'y a ni bêtes fauves ni renards son port est très salubre.
La vigne y vient très bien et c'est du vin que pourra consister le plus grand revenu.
L'on choisira d'ailleurs, les parties propres aux oliviers et aux câpriers et l'on pourra planter quantité de figuiers.
Elle fut donnée à bail emphytéotique au Sieur Dormano et la dame Marguerite De Mondor la vendit 34400 livres au sieur Mathieu de Molé, et c'est à sa femme qu'elle fut érigée en Marquisat en 1658, avec cense de 150 livres par an, elle est des Domaines du Roi. Elle fut adjugée en 1737 par arrêt de la troisième minute des enquêtes à Paris pour 25 500 livres aux enfants mineurs de M. et Mme De Lenoncourt
L'on dit qu'en 1670 ou environ elle fut affermée 4000 livres.
Il convient de laisser les coteaux et petites montagnes couvertes de bois comme elle le sont ce qui peut occuper environ un grand tiers de l'île.
La production de ce bois sera un objet important en égard du revenu du Seigneur si l'on a soin de conserver les jeunes sujets restés après les coupes qui ont été faites depuis l'année 1746 et qui ont produit plus de 80 000 livres.
Ce bois est en grande partie en pins blancs et le reste en pinsots, il peuvent être coupés de 20 en 20 ans et produire des arbres de 5 à 6 pouces de diamètre propre pour palissades, chevrons etc.…et aux manufactures de Toulon et de Marseille, verreries de la côte etc.… et en laissant dans les coûts de réglées des baliveaux, les pins blancs fourniront avec le temps des poutres et des planches propres pour les oeuvres mortes des bâtiments de mer.
Il faudrait d'ailleurs (ce qui n'a jamais les observé) autant pour la végétation des arbres que contre les accidents du feu, avoir soin de les élaguer et de nettoyer le terrain qui est autour ce qui fournirait plus que suffisamment le chauffage des habitants.
L'île est divisée en quatre vallons appelés plaines. Le plus considérable et celui qui se trouve au centre de l'île sous le château du roi et à portée de l'habitation du Seigneur ; au bas de ce vallon et près du bord de la mer est une source suffisamment abondante pour fournir de l'eau à un grand nombre de familles et à leurs bestiaux. Outre cette source, il y en a dans les autres parties de l'île. Ce vallon et très propre pour toutes sortes de graines et légumes, et particulièrement pour la vigne, ainsi que pour les figuiers, On planterait les câpriers sur les mi-coteaux. On pourrait occuper ce vallon par cent cinquante mille pieds de souche de vigne qui pourraiten produire au moins à 1200 pieds par boute ou queue ( ?) de France 150 boutes de vin ou 110 au moins.
Le terrain est facile à travailler est le vin y est excellent et à proximité d'être embarqué pour l'étranger presque sans frais. La production des vignes peut être portée à la 5eme ou 6eme année pour pomper les frais de culture, mais il en faut 10 à 12 pour son port (?)
Ce même vallon pourra année commune en égard des terres laissées par saison, contenir de charges de 300 livres pesants en semences de graines, soit froment, orge, ou seigle, le dernier est celui qui produit le plus.
Ces grains l'un en l'autre produiront ordinairement du quatre ou cinq.
À noter que vers le milieu de ce vallon était anciennement un bouquet de bois de chênes verts qui a été arraché et vendu par le Seigneur, et où il ne reste que quelques petits baliveaux de peu d'importance, il est indispensable d'y faire semer du gland, dont la production fournira de la nourriture d'une trentaine de cochons ; il faut conséquemment ne plus souffrir de chèvres.
À l'extrémité du même vallon et près de la source est un terrain propre au jardinage.
Il y a actuellement à portée 3 cassines très resserrées occupées par six familles de trois ou quatre personnes enfants compris. Le Seigneur y a aussi son habitation en forme de métairie qui peut contenir un ménage de 20 personnes.
Au couchant de l'île sont les vallons de Bonrainaud et des Langoustiers, terrain fort étendu ou il n'y a que des bruyères. Ils seront propres à toutes sortes de grains, vignes et câpriers. Il n'y a aucune habitation dans toute cette partie où l'on pourra semer année commune vingt cinq charges de grains et planter pour quarante boutes de vin.
Vers le centre de l'île à proximité du vallon du château entre lui et le fort de la Lycastre et le vallon de la Courtarde et bois brûlé, au bas duquel on peut former un pré d'hiver qui pourrait donner soixante quintaux de fourrage ; on peut suppléer à cette petite qualité pour la nourriture de bestiaux à l'usage des habitants pour la paille du pays qui est excellente par les parties salines qu'elles contient, et l'on peut d'ailleurs faire du fourrage avec de l'avoine, orge ou vesse semés et coupés en herbe.
Note de PL.: vesse s'écrit actuellement vesce il s'agit d'une légumineuse, proche des fèves, utilisée pour le fourrage.
L'on trouve au-dessus de ce pré un terrain très vaste propre comme les autres à la vigne et aux semences de tous grains et quelques fonds qui sont avantageusement situées pour des oliviers sur la production desquels il ne faut pas compter qu'après 18 ou 20 années. Ce vallon pourra fournir 30 boutes de vin et contiendra douze charges de semences dans les terres en saison.
L'on peut établir dans les continents ci-dessus vingt cinq familles, lesquelles doivent être établies sous le château pour y former dans la suite un petit village.
Il reste le vallon ou plaine de Notre-Dame à l'extrémité orientale de l'île où l'on peut établir six familles y compris les deux qui y sont, qui auront à cultiver 16 à 18 charges de grains en semences et à planter pour 40 boutes de vin.
Les nouvelles habitations pourraient être placées près de l'ancienne chapelle Notre-Dame et les habitations existantes où il y a un four, un puis abondant en bonne eau et un terrain suffisant pour le jardinage nécessaire à ces familles.
Cette partie serait très propre à des câpriers et à des oliviers à la quantité de deux mille cinq cent mais la production de ces arbres varient beaucoup dans les meilleurs terrains.
À l'égard des figuiers comme pourra planter en tel nombre qu'on voudra, ils produiront beaucoup au bout de six à sept années.
Outre les productions ci-dessus détaillées, les familles établies trouveront un bénéfice à arracher des souches de bruyère sur les hauteurs et dans les bois, ce qui les occupera dans les saisons mortes.
Ces souches se vendent communément sur les lieux aux personnes qui viennent en acheter six sous le quintal poids de table y compris le droit du Seigneur qui est du tiers.
Ces souches se reproduisent 14 à 15 années après par les racines qui restent en terre en les arrachant.
Les bois de pins peuvent produire un revenu annuel en fascinages provenant de l'élagage et du nettoiement au pied des arbres, le tout indépendamment du chauffage des familles qu'on pourrait y établir.
L'habitant paye au Seigneur la 7eme partie de tous les grains de la récolte.
Dans le cas d'établir 30 ou 32 familles dans cette île que M l'abbé De Lenoncourt a en son propre par arrangement de famille, il faudrait qu'il fit bâtir à ses frais autant d'habitations qui pourrait coûter l'une en l'autre trois à 400 livres qu'il leur fournit des semences pour la première année, charrues et bestiaux et deux mulles ou mulets ou bêtes azines par famille qui sont les seules qu'on puisse employer et cela jusqu'à ce que ces familles puissent rembourser le capital, outre l'intérêt. Le Seigneur exigerait de ces mêmes familles la septième partie du produit des terres, taux de cette île et de presque toutes les terres nobles le long de la côte voisine ; où une certaine quantité de familles de Provence ne s'établissent que momentanément.
A l'égard de la plantation de la vigne, l'on pense que, comme elle ne produit qu'au bout de 5 à 6 années, que le Seigneur accordera en pure perte, au moins la moitié des frais de plantation, en ce que ces familles s'engagent par leur contrat de la cultiver et de lui donner aussi la 7eme partie du produit.
Comme il faudra établir une paroisse ou succursale, l'évêque exigera la dîme, ce qui sera encore à charge aux habitants.
Malgré le bien de l'état qui se trouverait incontestablement dans l'établissement des 32 familles et plus, dans cette île, le Seigneur est absolument hors d'état de faire aucune avance ou de prendre aucun arrangement convenable à cet égard, par les dettes montant à environ 60 000 livres hypothéquées sur la dite île, dont les créanciers poursuivent le paiement pour lequel ils seront obligés d'en venir à faire procéder à la vente par justice.
Mais cette terre étant domaniale et sous la redevance annuelle de 150 livres, il serait important à tous égards pour former le projet d'un établissement solide, et dont l'exécution serait des plus avantageuses au Roi, que sa Majesté la firent entrer dans ses domaines, sans quoi devoir par qu'il y ait jour à exécuter le projet de la peupler. S'il lui plaisait de prendre ce parti on n'assurerait rien de trop en disant qu'on pourrait y établir 40 à 50 familles ce qui produirait dans la suite dans un revenu considérable et contribuerait à la conservation de la dite île, où les habitants seraient exempts de milice et classe, et jouiraient de quelques franchises pendant en un certain nombre d'années.
On pourra en hiver tenir un troupeau de 200 moutons ou brebis, et l'été pour la consommation des familles qui auront par ailleurs la ressource de la pêche et celle de plusieurs bateaux qu'il faudrait établir pour communiquer en terre ferme, Si le roi ne prend le parti que je viens de proposer, le discrédit du seigneur seul est capable malgré tous les avantages qu'on pourrait faire aux familles à y transplanter, de les faire déserter si elles y étaient établies par l'impression que le nom du Seigneur fera toujours dans tous les Etablissements qu'on voudra y faire.
Ile de Port Cros
Cette île a environ 1600 toises de longueur et 600 toises de largeur réduite, quoiqu'elle soit remplie de montagnes scabreuses, le peu de terrain qui s'y trouve et très bon et l'on pourrait y planter des vignes et des figuiers dans les quartiers du Port-Man, de la Sardinière, à la Palun et sous le château. Il y en avait autrefois une qui produisait d'excellent vin. Il y a un petit fond à la Palun dont la terre est très fertile pour fèves et légumes de cette espèce. Il y a quelques oliviers autour de la vigne du Seigneur qui prouve qu'on pourrait en planter suffisamment dans l'île pour l'usage des familles qu'on pourrait y établir et même pour en vendre.
Il y a dans l'île quelques petits bouquets de pin que l'on conserve avec attention et les bois à brûler dont on fait usage sont des souches de bruyères que les paysans arrachent dans les saisons mortes en donnant au Seigneur deux sous pour le quintal son droit, ils lui donnent aussi la 7eme partie des grains qu'ils recueillent, qui produit 4 ou 6.
Il y a actuellement 5 familles dans cette île occupant le quartier de la Palun, de Port-Man, la Sardiniére. Mt Dorme et Malalengue, qui recueillent année commune environ 100 charges de blé ou orge. On ne pourrait guère augmenter le nombre de ces familles.
Mais on pourrait planter, en supposant un nouvel établissement, des vignes sous le château, à la Palun, à la Sardinière et un et au Port-Man pour 40 à 50 boutes de vin, beaucoup de figuiers. Il faut 7 à 8 années à la vigne pour qu'elle soit dans sa production et une vingtaine d'années aux oliviers;
il y a des sources à portée des habitations ci-dessus.
Il faut absolument bannir les chèvres de l'île de Port Cros ; l'on pourra alors y nourrir cent cinquante brebis ou moutons, dont on gardera pendant l'été la quantité suffisante pour la consommation des habitants qui auront la ressource de la pêche.
Il ne le faut que des bêtes azines pour labourer et quelques mules qu'on nourrit avec de la de paille, un peu de grain et de l'avoine et vesses semés et coupés en herbe ce qu'on appelle pasquies dans le pays.
Ile du Levant
Note dans la marge : Ces deux îles et celle de Bagau qui couvre le Port de Port Cros et qui n'est propre qu'à rester en friche, composent le Marquisat des Iles d'Or, érigé en 1550. Il n'est point du domaine du Roi
C'est la plus orientale des îles d'Hyères, elle a 3600 toises sur environ 450 de largeur réduite elle est très avantageusement située pour être habitée ; il faudrait cependant dans ce cas un petit fort pour mettre les habitants à l'abri des incursions des barbares qui viennent quelquefois. L'ancien fort qui était un quartier du Tite exposée au midi est entièrement démoli.
Cette île est escarpée du côté de terre ferme et en pente vers le midi, côté de la mer du large, où la côte est abordable en plusieurs endroits. Les divers vallons qui y portent leurs eaux, forment plusieurs sources, en sorte que l'on pourrait avoir des puits à l'usage des familles et des bestiaux.
Il y a actuellement huit familles qui occupent de très mauvaises habitations la plupart au quartier de la Vis, les autres à l'Aigade, aux Crotes et au Tite.
Il y a 80 ans ; elle a produit de 6 à 18 cent charges de grains, blé et orge.
Les paysans donnaient ordinairement au Seigneur la neuvième partie de leurs grains et le tiers du produit des souches à brûler vendues comme à Port-Cros et à Porquerolles.
L'on pourrait établir dans cette ile une quinzaine de familles en les relogeant à l'instar de celles de Porquerolles, et en laissant une partie de l'ile en bruyères plus que suffisante pour le chauffage, les autres partis étant distribués avec équité, l'on pourrait, année commune, recueillir dans cette ile 300 charges de grains, beaucoup de légumes, 200 boutes de vin, de l'huile au-delà de ce qu'il faudrait, plusieurs parties seraient avantageusement semées de glands, les châtaigniers y viendraient au mieux dans quelques autres, il y a des terres propres au jardinage et aux câpriers on y nourrirait 2 ou 300 brebis ou moutons pendant l'hiver ; L'été on y tiendrait un nombre suffisant pour l'usage ; les habitants suppléeraient à son défaut par le poisson qui est abondant
Les mules et bêtes azines pour la culture des terres s'y nourriraient comme à Port Cros et à Porquerolles.
L'on y nourrirait des cochons qui, avec les autres bestiaux procureraient du fumier, pour engraisser les terres, de même qu'à Porquerolles et Port Cros
Notons qu'il n'y a pas un arbre à l'ile du Levant, et qu'en bannissant les chèvres, ce qui est indispensable on pourrait y avoir abondamment de chênes, peupliers, châtaigniers oliviers et figuiers.
Il résulte de ce mémoire qu'on pourra établir à l'ile de Porquerolles en tant que le Roi la fera rentrer dans ses domaines et qu'elle changera de Seigneur.
20 familles en tout
Sur l'île de Port Cros, en tant que le Seigneur voudra s'y prêter : 6
A l'ile du Levant idem : 14
Ce qui fait un tout : 40 à 50 familles.
Pour ne point perdre de vue l'objet de peupler les îles d'Hyères et les dépendances de ce commandement pour avoir dans un cas de guerre nombre d'habitants, on pourrait placer dans le marquisat de Bréganson sur la côte et à la portée de fusil du fort isolé de même nom, 10 familles y compris les trois qui y sont.
Cette terre ait été érigée à marquisat en 1574 en faveur de sieur Esculier des Aimars (?), elle a été possédée depuis par les Sieurs de Gasqui et de Cormis et ayant été réuni aux domaines du
Roi, elle a été achetée 6000 livres par le sieur de Ricard.
Elle peut avoir une grande demi-lieue de longueur et autant de largeur, bornée au midi par la mer, au levant par la terre de Bénac au couchant par celle de Léoube et au nord par la baronnie de Bormes. Les collines qui l'entourent en partie sont couvertes de bois de pin et de bruyères et le pied peut être cultivé en vignes et terres à produire du grain : il y avait, il y a peu d'années beaucoup de chênes verts et du chêne blanc. On pourrait semer du gland; mais il serait indispensable d'en bannir les chèvres. Pour y faire les établissements projetés, il faudrait qu'elle rentra dans les Domaines, n'y ayant aucune apparence que Mme la veuve de Ricard voulu faire les avances et construire des habitations nécessaires. De tout temps, les habitants, en petit nombre de ce marquisat ont été censés destinés pour servir dans le fort de Bréganson dans un cas de guerre.
Si le roi voulait établir un plus grand nombre de familles, il pourrait le faire dans le terrain de Bénac et de Loube aussi des Domaines du Roi et susceptibles d'être cultivé en vignes, oliviers et de produire toutes sortes de grains. Je crois que les Seigneurs de cette terre qui manquent de monde pour les cultiver se prêteraient à cet arrangement.
Il y a de plus, depuis la terre de Léoube jusqu'à Hyères un terrain immense le long de la côte formant une lisière d'une lieue de largeur , où l'on pourrait établir 200 familles qui auraient du très bon terrain à cultiver de même que les précédents. Il serait extrêmement avantageux aux particuliers d'Hyères qui les possèdent et aux Pères (?) Chartreux de la Verne, que ce pays fut peuplé de gens laborieux qui auraient soins des bois de pin qui croissent en abondance et qui sont très souvent incendiés n'y ayant personne à portée de les garder. C'est ici un article de conséquences puisque depuis dix ans il y a eu plus de deux cent mille livres de bois brûlé. Il manquera à la fin sur cette partie de la côte d'où on le tire pour Toulon et pour Marseille, qui leur est propre, leur serait interdits.
Voilà le projet qu'on pourrait mettre en oeuvre pour tirer de la rade d'Hyères le parti le plus avantageux, projet que j'ai plusieurs fois communiqué à tout ce qu'il y a de plus respectable et de plus expérimentés dans la Marine dont il a été approuvé.
Il reste à parler de l'utilité des îles d'Hyères qui est unanimement reconnue.
L'île de Porquerolles est nécessaire pour interdire l'usage de la petite passe ainsi qu'on leur remarqué, les vaisseaux ennemis y trouveraient la ressource du bois de chauffage, et celle de pouvoir faire quelque aigades, à la vérité dans les puits au bord de la mer dont l'eau est excellente, les sources qui en fournissent dans ces puits sont si abondantes qu'ils sont remplis quelques heures après qu'ils étaient vidés.
Les Amiraux Mathews et Lestock ont aprouvés ces avantages, pour leurs escadres, avant la déclaration de la dernière guerre.
Il n'y a, sur la côte de cette ville qu'un petit port protégé par les deux forts du Langoustier, les galères et les petites frégates peuvent y mouiller. Sans cette ressource un corsaire de Marseille aurait été pris par quatre vaisseaux anglais le 27 juin dernier le canon de ces forts le sauva.
L'ile la plus essentielle est cependant celle de Port Cros, ce qui est de l'aveu de tous les navigateurs, le port qui est à couvert des vents et de la mer du large par l'ile de Bagau est le seul asile pour les bâtiments marchands depuis Toulon jusqu'à la rade…
Source : Service Historique de la Marine de Toulon - Cote 4B1 3