Les Chemins de Porquerolles

Les Cartes anciennes de l'île




Les Iles d'Hyères, extraits d'un Portulan turc, 1521



           Les représentations ci dessous proviennent d'un recueil de cartes nautiques qui faisaient partie d'un portulan turc intitulé Kitab i Barhiye (le Livre de la Mer) daté des années 1521-1524.

           "Son auteur est l'amiral turc Piri Re'is qui vécut dans la première moitié du XVIème siècle. Son Livre de la mer est la description de la Méditerranée et de la mer Noire avec les caractéristiques des zones de navigation, les distances d'un port à l'autre, les mouillages, les dangers et parfois quelques anecdotes se rapportant à des expériences vécues.
           Pirî Reis était un grand navigateur et un bon dessinateur de carte. Il a dessiné les lieux qu'il a visités et a rapporté leurs particularités historiques et géographiques, à partir de ses propres observations, en tant que navigateur et pirate, ainsi que de sources étrangères. Dans la première partie écrite en vers de son livre « Kitab i Bahriye » où figurent toutes les informations concernant la navigation, il présente, après les explications générales, les îles de l'Egée et de la Méditerranée et souligne l'importance des observations et des expériences concernant la navigation...
           La partie écrite en prose contenant les cartes, forme le texte principal de l'oeuvre. Dans cette partie se présentent des informations historiques et géographiques sur les Dardanelles, les côtes et les îles d'Egée, les côtes de la mer Adriatique, le midi de la France, l'ouest de l'Italie, les côtes de l'Est du Portugal et sur les îles les entourant. Ensuite les côtes de l'Afrique du Nord, de Palestine, de Syrie, de Chypre et les côtes anatoliennes jusqu'à Marmaris"




           Il s'agit d'un extrait d'une carte de l'embouchure du Rhone à Porquerolles appelé Portuland de Marseille, on a recopié la partie entre Toulon et Porquerolles (carte extraite de l'ouvrage de Kemal Ozdemir, Piri Re'is, Istanbul, Bashkent, 1994, n°16).

           "Un petit fleuve l'Aran débouche dans la baie de Bandol, les quelques îlots de la baie sont notés: l'Ile Rousse, Bendor, un écueil.
           Des montagnes colorées marquent le relief intérieur: le massif du Gros Cerveau et au fond sans doute le massif de la Sainte Baume où les fleuves prennent leurs sources. Une ville ou plutôt une agglomération avec tours et clocher est visible ensuite, laquelle est Sanary (kala'a Sinaï) appelée à l'époque Sant Nazari. Assez curieusement l'archipel des Embiers est simplement marqué par deux croix pointées qui généralement positionnent de simples écueils.
           Le massif du cap Sicié un fameux promontoire borde puissament l'entrée de la rade de Toulon (kala'a Toulouné). La ville encore peu importante à l'époque est cependant représentée avec plusieurs tours et une partie de rempart. Sur un promontoire à l'intérieur de la rade une tour. Il s'agit de la Grosse Tour qui venait à peine d'être édifiée (La construction de la grosse tour de Toulon a été décidée en 1513 par Louis XII à la demande de la communauté de la ville de Toulon. Elle commence en 1514, les fondations sont achevées en 1517, l'ouvrage est pratiquement terminé en 1524)
           Vers l'est une autre cap aussi important que le précédent celui de Carqueiranne ici appelé Cau Touloune. Viennent ensuite la presqu'ile de Giens à peine marquée, la ville d'Hyères avec un donjon, juchée sur des collines (kala'a Lariche), le fleuve Gapeau se déverse dans un étang dénommé Tuzla, cette appellation semble désigner les salins. Un peu plus à l'est tronqués par le cadre du bas de la carte pointent un donjon et deux tours, il s'agit de la forteresse de Brégançon que le portulan nomme Barkansur."
           Texte de Philippe Rigaud (Portuland de Marseille)

           On remarquera la forme relativement réaliste de Porquerolles, le grand Ribaud, l'ilot du Langoustier ainsi que la clape de la Jaune garde sont indiqués, et l'on trouve également les rochers des Médes. Une autre carte, tirée également du livre de la mer nous donne l'ensemble des iles d'Hyéres, c'est la carte la plus ancienne et la plus précise jamais réalisée.



           Carte issue de l'ouvrage "les Iles d'Hyéres ; Fragments d'histoire" (ouv.cité) d'après The Historical Research Foundation, Kitab i Bahriye, Piri Re'is, vol. 3, Ankara, 1988, (éditions des cartes de Provence, 289a, 292b, 295b; textes du portulan en turc ancien, avec traductions en turc moderne et en anglais, p.1209-1253).

           Piri Re'is a séjourné dans les Iles en 1508, il accompagnait son oncle le pacha Kemal Re'ir, amiral ottoman, qui dirigeait une flotte de 40 voiles et avait dévasté la cote italienne avant de faire quelques exactions à proximité des Iles et continué son expédition vers les Baléares. Le livre de la mer nous donne une description très précise de l'archipel, des mouillages, des passages et des points d'eau :
           "Les Turcs donnent à ces îles d'Hyères le nom de "Trois Iles";. elles sont célèbres dans le royaume de France. C'est un lieu où les flottes turque et arabe se livrent à la chasse, car les navires infidèles qui font du commerce à partir de ces côtes ne manquent pas, et vont et viennent. Une fois, avec le défunt Kemal Re'is, nous avons capturé d'un seul coup trois navires et nous les avons conduits à Tunis où nous les avons vendus.
           Dans le périmètre des trois îles mentionnées, il y a aussi dix petites îles séparées, mais l'essentiel est constitué par les trois îles où les navires peuvent mouiller. Dans la grande île qui est au milieu, il y a un port, face au nord-ouest, auquel on donne le nom de Porto Uskudalu, ce qui veut dire "port de l'Ecuelle" (Port Cros); en face, à un demi-mille, il y a une petite île qui arrête le vent qui vient du nord-ouest les autres vents passent par-dessus cette île. En dehors de ce port, au nord-est de l'île, il y a une baie à laquelle on donne le nom de Porto Korso (Port Man) cette baie est un bon mouillage, on y trouve de l'eau un peu saumâtre. La distance entre l'île qui est à l'est et celle-ci, est de un mille les gros navires y passent, car le passage est profond, mais il faut naviguer près de l'île qui est à l'est de la passe, car il y a un rocher près du cap de la grande île du milieu on voit ce rocher à la surface de l'eau outre ce rocher il y a un îlot rond. On appelle cette île Bon Omu, ce qui veut dire "Bon Homme" (ile du Levant). C'est seulement un nom, car c'est une île au sol raboteux près du cap qui est situé à l'est de cette île il y a un rocher que l'on voit à la surface de la mer et à deux milles plus à l'est il y a un autre rocher qui est visible les navires de toute sorte peuvent passer entre ces deux rochers, car il y a de la profondeur.
           La troisième île après les deux mentionnées est celle qui est située à l'ouest : on l'appelle Pontara (Porquerolles) son mouillage se trouve au nord-nord-est. Entre le cap qui est au nord-ouest de cette île et le continent, il y a l'île Rabaldi (le grand Ribaud) c'est une petite île, les navires peuvent passer de chaque côté, il y a assez de profondeur et son mouillage est bon. Pour ces trois îles que nous avons décrites, quant on arrive du large, le repère est le suivant sur le continent, on voit une montagne élevée: on l'appelle Monto Ros, ce qui veut dire "montagne Rouge" et de fait c'est une montagne rouge. C'est du côté ouest de cette montagne et au-dessous d'elle que l'on distingue le groupe de ces trois îles. La grande île qui est au milieu est haute et grise, les deux qui se trouvent de part et d'autre paraissent basses. Tout ce qui est indiqué doit être connu et il ne doit pas y avoir d'hésitation à repérer ces îles.
           De l'île qui est au milieu de la côte, il y a huit milles, de celle de l'ouest, la côte se trouve à trois milles. En face de cette île sur la côte se dresse un cap face au sud nommé Dibaldis (Giens). Au nord-est de ce cap, face au sud-est il y a une grande ville que l'on appelle Ans les Arabes l'appellent Larich (Hyères) au nord-est de cette ville il y a une saline d'où chaque année les navires chargent et emportent du sel. Près de cette saline coule une rivière. Près de celle-ci, le rivage est un bon lieu d'ancrage, aux eaux calmes, au point que cet endroit peut servir de mouillage à trois ou quatre cents navires en même temps ; si le vent souffle de la mer, les îles qui sont en face empêchent les vagues qui viennent du large de se propager [jusqu'à la côte].
           A l'est de cette saline il y a des baies face à l'ouest et chacune d'elles peut servir de mouillage aux galères. Une fois, nous nous sommes emparés de trois navires dans ce mouillage. Au sud de cet endroit, à l'extrémité du cap, face à l'ouest il y a une forteresse appelée Barkansur (Brégançon)"...

           Cette description, de vraies instructions nautiques ! a été traduite du "livre de la mer" par R Martran (La description des cotes méditerranéennes de la France dans le Kitab i Bahriye de Piri Re'is) Revue de l'occident musulman et de la Méditerranée, 39,1,85 et reprise dans l'ouvrage "les Iles d'Hyères ; Fragments d'histoire" (ouv.cité).