Cartes de Provence et de la Baie de Hyéres entre 1715 et 1720
Carte des frères OLIVIERS, 1728
Les frères Jean et François OLIVIERS, "Pilotes Entretenu du Roy au département de Toulon" ont réuni un ensemble de cartes et de plans des rades et des ports de Méditerranée pour le Marquis DANTIN. Ce sont des dessins aquarellés, avec quelquefois une recherche artistique comme en témoigne le frontispice de l'ouvrage et la carte de Palerme que l'on trouvera à la fin de cette page.
La qualité des relevés cartographiques laisse quelquefois à désirer, les auteurs ont sommairement représentés le détail des cotes comme l'on peut le voir sur la carte de la "Baye des Isles d'Hyères" et les îles sont informes.
Le seul intérêt de cette carte est dans la représentation du Moulin de Porquerolles et d'un débarcadère, cela nous permet de dire que le moulin a été construit avant 1728 et qu'une jetée à été réalisée pour les besoins du moulin, car il n'y avait pas de raisons d'en construire une à cette époque. Sur la carte agrandie de l'Île, on distingue le grand fort de Porquerolles, une autre fortification qui doit être le "Camp Louis XIV" ou le fort du Langoustier, par contre, le fort de l'Alycastre n'est pas représenté.
Évènements contemporains
En 1707 la flotte Anglo-Hollandaise avait occupé brièvement l'ile et causé quelques destructions dans les forts, le Camp Louis XIV a été construit peu après sur la presque ile du Langoustier et rapidement abandonné. Les Anglais sont restés menaçants dans la région jusque vers les années 1713, c'est en 1710 que se situe l'épisode de l'attaque de la Baleine à Port Cros, (voir l'ouvrage : Un combat naval à Port Cros de Gérard RECORDET, ouv. cité). Une fois la paix signée, il a eu une désaffection des forts et, nous signale Millet de Mouville dans un mémoire " En 1741... Il n'y avait dans ces îles qu'un garde d'artillerie presque sans munitions, peu de bouche à feu, et un concierge nommé par les gouverneurs qui prenait la qualité de commandant, et pas un soldat."
Il y a eu un changement de Gouverneur en 1712, D'après le Journal du Marquis de Dangeau . Tome quatorze. 1711-1713 :
"Jeudi 5 Mai 1712 jour de l’Ascension.
M L' Abbé De Sainte-Croix, Molé, est
mort ; il avoit près de quatre-vingt-dix ans. Il laisse
six belles abbayes vacantes et un beau prieuré, auprès
de Paris, qui est à la nomination de l' Abbé De
Lyonne. Il avoit un petit gouvernement dans les îles
d' Hyères, qui s' appelle Porquerolle ; ce gouvernement
vaut 6000 francs. Il avoit les chiens pour le
chevreuil, mais on croit que le roi supprimera cette
charge.
Jeudi 12 Mai.
La charge des chiens pour le chevreuil qu' avoit l' abbé de
Sainte-Croix a été supprimée ; le gouvernement de
Porquerolle, qu' il avoit, a été donné au Comte Du
Luc, ambassadeur du roi en Suisse, et qui a des terres
dans le voisinage"
Note de PL : Charles-François de Vintimille du Luc ( 1653-1740), jeune mousquetaire, il perdit un bras à la bataille de Cassel en 1677 et passa dans la Marine comme capitaine des galères. En 1699 il conduisit en grande pompe, avec quatre galères, à Civitaveccia, le Prince de Monaco Ambassadeur du Roi auprès du Pape, Gouverneur de Porquerolles en 1712, ambassadeur en Suisse (1708-1715) puis à Vienne (1715-1717), il accueillit en exil à Vienne le poète Jean-Baptiste Rousseau. « Il mourut en son château de Savigny dans la Manche en laissant une bibliothèque remarquable par la richesse de la reliure des livres qui la composaient »
Cette charge, primitivement dans la famille Molé, Marquis de Porquerolles, était devenue honorifique avec cependant un représentant du Gouverneur dans l'Ile.
L'ile a été la propriété de la famille Molé jusqu'en 1720, à la mort de François de Molé, ses neveux en héritèrent, l'Abbé Boson (ouv. cité) nous donne ensuite les éléments suivants :
"Par suite de la mort de sa sœur, Jean resta seul propriétaire. Celui-ci, l’année suivante (1720) vendit l’île à un nommé L’Hérant de St-Germain, qui l’administra mal et ne la paya point.
A la mort de Jean Molé (25 septembre 1725) ; sa fille Élisabeth Molé, qui en 1717 avait épousé M. Joseph Michel, Nicolas Sublet de Hendicourt de Léoncourt, s'en tenant à ses reprises, renonça à l’héritage paternel. Le tuteur de ses enfants, lui, l’accepta pour ceux-ci, sous réserve du bénéfice d’inventaire et il poursuivi la réalisation de cet héritage. Le Sieur L’Hérant de St-Germain n’ayant pas payé l’acquisition de Porquerolles, une action fut intentée contre lui, et le Parlement de Paris ordonna la remise de cette île aux héritiers de Lenoncourt, par arrêts en dates des 13 mai 1734 et 21 avril 1735."
De 1720 à 1734 ou 1735, l'Île a donc appartenu à L’Hérant de St-Germain, on peut supposer qu'il a fait quelques investissements dans l'ile, malgré des conditions assez défavorables, la basse Provence a subi une grave épidémie de peste de 1720 à 1722, elle a démarré à Marseille et s'est étendue très rapidement, Toulon et Hyères ont perdu la moitié de leurs habitants. De plus la mer n'était pas sure, Émile Jahandiez dans sa monographie des Iles d'Or (ouv. cité) nous donne les précisions suivantes, d'après la "correspondance des beys de Tunis et des Consuls avec la Cour" : "En 1726, le chef de corsaires Chaban-Reïs, après avoir fait de l'eau sous le château de l'île de Porquerolles, a arrêté en vue de cette place un bâtiment génois, qu'il a ensuite abandonné après lui avoir enlevé une partie de son chargement ". L'année suivante,
un corsaire tunisien avait été surpris par un vaisseau du roi, poursuivant, prés des îles d'Hyères, un bâtiment italien. Le corsaire fut arrêté, et la cour de France ordonna qu'il fut conduit à Tunis sous l'escorte du vaisseau qui l'avait saisi."
Le Moulin de Porquerolles
Il apparaît pour la première fois sur cette carte, il a donc été construit avant 1728. Le contexte historique nous conduit a supposer qu'il a été construit lorsque L’Hérant de St-Germain était propriétaire de l' Île, c'est à dire entre 1720 et 1728 il devait correspondre à une nécessité économique de l'époque. Le Royaume était importateur de blé et Louis XIV avait interdit l'exportation, cette interdiction ne sera levée qu'en 1764. De plus, la farine qui arrivait à Marseille par la mer, ne supportait pas de taxes (il y eu même un moulin sur l'ile du Château d'If !) On retrouve le moulin sur la carte de Bellin datée de 1764, et il apparaît comme moulin à vent en ruines sur la carte de Cassini relevée en 1778.
Le débarcadère a été construit en même temps , un chemin partait du port, traversait en diagonale la future place, en direction de l'Orée du bois puis après un large tournant suivait la crête en direction de la face nord du moulin ; ce chemin, dans sa partie haute, a été dégagé sommairement par le Parc en 2003.
Et pour terminer, une vue en perspective d'une partie du port de Palerme, extraite de l'Album des frères Oliviers.
Les illustrations sont extraites du "Livre de plusieurs plans et ports ...du Marquis DANTIN" déposé au Service Historique de la Marine.(DR)