Carte de la Provence
de Pierre Jean de Bompar 1591
La première carte de la Provence à été relevée par Pierre Jean de Bompar, juge royal de Grasse, en 1591. Elle était destinée au duc de Savoie, son Altesse Charles-Emmanuel (1562-1630), et devait servir à l'envahissement de la Provence.
Cette carte est une source précieuse de renseignements pour les noms de lieu et l'importance des villes, villages et bourgades de la fin du 16eme siècle et nombre de communes apparaissent pour la première fois de leur Histoire sur une carte. (origine BNF)
Elle fut éditée en 1595 par Ortélius à Anvers (dimensions 35,5 x 50,5 cm). Elle représente toute la Provence à petite échelle. On y trouve le réseau hydrographique, les lieux habités, avec un codage qui indique leur importance et quelques places fortes isolées comme la "Grosse Tour" de Toulon et le fort de Bréganson. Les régions montagneuses sont signalées, ainsi que les zones boisées. Les chemins ne sont pas représentés. La présence de la longitude et de la latitude en fait une carte moderne pour l'époque et a sans doute contribué, en relevant un certain nombre de points, a lui donner une exactitude globale . Mais on verra facilement que le dessin des côtes et des îles est nettement folklorique !
Les Iles d'Hyères s'appellent, à ce moment, Isles dor Stoechades ou îles de Eres. Le premier nom est issu des cartes antiques qui avaient été republiées au 15eme siècle et le second reprend l'ancien nom de Hyères, orthographié sur cette carte sous la forme : Hieeres.
Nous avons représenté, à la même définition que la carte, les échelles des distances Elles sont données en lieues Françaises, Provençales, Italiennes et ...Germaniques.
Les cartes étaient abondamment décorées et l'on retrouve , dans le coin gauche, l'inévitable rose des vents avec ses trente deux directions ainsi qu'une petite galère, et dans le coin droit, un navire de haut bord et un dauphin, fort courroucé d'avoir été dérangé.
Sur cette carte, vu sa petite échelle, seuls les grands caps sont représentés : C.Cerchiech (Cap Sicié) , C. lardier, C.Taillier ... Les îles de l'Archipel d'Hyères sont toutes baptisées, sauf Bagaud. De gauche à droite on trouve le Ribaudin, curieusement placé à l'entrée du "fjord" qui représente la rade de Toulon, puis le Ribaudau et Porqueroles prolongé par des rochers :les medes. Un village ou une bourgade est signalée sur l'île. Port Cors est présenté hypertrophié, comme d'ailleurs l'Ile du Levant qui s'appelle ici l'isle du Titan. Cette dernière est habitée et boisée alors que Port Cros est vide.
Porquerolles est depuis 1575 propriété du Roi de France, Henri III l'avait achetée au propriétaire précédent, le comte de Carcès, seigneur de Pontevès. Ce dernier avait tenté, sans grand succès, d'en faire un domaine agricole en y installant une quarantaine de familles paysannes de Lorraine. Ce sont peut être quelques descendants qui peuplent l'île en 1591 avec quelques pêcheurs.
Le fort de Porquerolles, construit en 1531 sous le règne de François 1er est déclaré en partie ruiné lors d'une inspection en 1575. Il sera réparé en 1581 par Alphonse d'Ornano, futur lieutenant général du Dauphiné, qui devient gouverneur du Fort. Le duc d'Angoulême, gouverneur de Provence, y fait porter deux pièces d'artillerie afin de la défendre contre les pirates.
Ces derniers, néanmoins, continuent de sévir dans les parages : En 1590, un galion, chargé de blé à Livourne, pour ravitailler Marseille assiégée par le duc d'Épernon, est pris aux îles d'Hyères par deux galères turques. Il faudra verser 2 000 écus pour libérer le navire.
Cette première carte de la Provence connaîtra plusieurs rééditions, avec de légères différences. Dans l'édition de 1619 "Iean le Clerc excudit" (origine : BNF) de dimensions 35 x 50 cm , dont on donne ci dessous la région des Iles , on remarque peu de changements, Ribaudin et Ribaudau ont été écrits d'une façon plus claire. Dans la légende il n'y a plus d'unités germaniques ; le dessin de la cote et des îles n'a pas été modifié.
Les décorations des coins de la carte ont été changées : on retrouve une galére sous voile et un bateau de commerce (une tartane ?) extrêmement voilé, le dessin est plus incisif, plus net que dans la carte précédente
Pour terminer ces rééditions voici une carte en couleurs publiée en 1631, toujours par Petro Joanne Bompario, publiée à Amsterdam par Apud Guiljelmum Iansonium et Johannem Blaeu ,format : 38,5 x 54 cm (source : BNF)
Nous avons une évolution, non pas dans le dessin des côtes mais dans la symbolique de représentation des lieux habités et les forts et ouvrages de défense sont plus largement représentés. On remarquera que Porquerolles est devenu un peu montagneux, est pourvu d'un château, mais n'est toujours pas boisé. On voit apparaître le nom de Baguault pour la première fois sur une carte et l'île de Port Cors est maintenant boisée et pourvue d'un fort. L'île du Titan est toujours boisée et habitée.
Cette carte est plus sobre que les précédentes et il ne reste plus que les roses des vents et une bataille navale difficile à reproduire. On note, comme décoration en haut , à gauche les armoiries du roi de France et, en bas à droite, vers le comté de Nice, celle du duc de Savoie. Nous l'avons reproduite afin de ne pas oublier le "sponsor" qui a été à l'origine de ces cartes.
Un petit texte, écrit en 1630 nous montre les aléas de la navigation au large des iles d'Hyères ou l'on peut trouver des pirates ou des Espagnols...